Tout propriétaire qui souhaite vendre ou mettre en location son logement doit, entre autres, confier la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) à un professionnel certifié.
Depuis le 1er avril 2023, tout propriétaire d’une maison individuelle ou d’un immeuble comportant plusieurs logements classés F ou G a l’obligation de réaliser en outre un audit énergétique, étant précisé que les propriétaires de lots en copropriété ne sont pas concernés.
Cela résulte de l’article L126-28-1 du Code de la construction et de l’habitation créé par la Loi n°2021-1104 du 22 août 2021.
Qu’en est il en matière de saisie immobilière ?
Le Code de la construction et de l’habitation (l’article L271-4) prévoit qu’en cas de vente publique, le dossier de diagnostic technique doit être annexé au cahier des charges, devenu depuis, cahier des conditions de la vente.
Mais ce dossier de diagnostic technique doit-il obligatoirement comprendre l’audit énergétique ?
Oui, répond très clairement l’article susvisé modifié par loi n°2021-1104 du 22 août 2021, en son point 6.
Celui-ci dispose que :
Le dossier de diagnostic technique comprend, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, les documents suivants : (…)
6° Le diagnostic de performance énergétique et, le cas échéant, l’audit énergétique prévus aux articles L. 126-26 et L. 126-28-1 du présent code ;
Ainsi, qu’il s’agisse d’une vente de gré à gré « classique », d’une vente amiable autorisée par le juge de la saisie immobilière ou d’une adjudication, l’audit énergétique doit être réalisé.
On peut alors légitimement se poser la question de savoir si l’absence d’un tel audit énergétique est sanctionné.
Pour l’instant, la loi Climat (« portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ») ne prévoit pas de sanction pour les propriétaires qui ne respecteraient pas l’obligation d’audit énergétique avant de mettre en vente leur maison.
Les textes parus — décret et arrêté — n’ont pas donné de précisions supplémentaires à ce sujet.
En matière de saisie immobilière, il semble qu’il y a lieu d’analyser la situation à deux niveaux.
Du point de vue de l’adjudicataire, si les textes prévoient indiscutablement d’annexer l’audit énergétique au cahier des conditions de la vente, on peut douter de ce que l’absence de ce document puisse entraîner une sanction notable.
Pour rappel, le jugement d’adjudication transfère la propriété et les risques à l’égard de l’adjudicataire.
Ce dernier supporte et poursuit les situations créées ou acquises du chef du saisi et des précédents propriétaires.
Le débiteur saisi doit seulement la délivrance et la garantie d’éviction (CPC exéc., art. L. 322-10).
L’adjudicataire achète en l’état et ne peut donc invoquer la garantie des vices cachés (C. civ., art. 1649 ) ni la rescision pour lésion (C. civ., art. 1684).
Ainsi, si en droit commun de la vente, l’article L. 271-4, II, du Code de la construction et de l’habitation prévoit qu’en l’absence des diagnostics prévus aux 1° (risque d’exposition au plomb), 2° (présence d’amiante), 3° (présence de termites), 4° (installation intérieure de gaz), 7° (installation intérieure d’électricité) et 8° (installations d’assainissement non collectif), le vendeur ne peut pas s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante, tel n’est pas le cas en matière de saisie immobilière, où la garantie des vices cachés est clairement écartée (C. civ., art. 1649).
Sauf cas de fraude, l’adjudicataire n’est donc, selon nous, pas susceptible d’invoquer l’omission ou l’irrégularité de l’audit énergétique pour remettre en cause l’adjudication ou solliciter une diminution du prix.
La situation pourrait en revanche s’analyser différemment du point de vue du débiteur.
Ce dernier pourrait-il se prévaloir de l’absence de l’audit énergétique pour faire déclarer irrégulière la procédure de saisie immobilière ?
Comme indiqué plus haut, le code de l’habitation et de la construction prévoit que le dossier de diagnostic technique comprend le diagnostic de performance énergétique et, le cas échéant, l’audit énergétique.
Et, comme vu précédemment, l’article L.271-4 du code de la construction et de l’habitation dispose que « en cas de vente publique, le dossier de diagnostic technique est annexé au cahier des charges ».
On sait qu’en droit, l’utilisation du présent de l’indicatif à valeur d’impératif.
Doit-on alors considérer, comme la Cour de cassation a pu le décider à propos d’un procès-verbal descriptif dressé antérieurement au délai de huit jours (Cass. 2e civ., 21 févr. 2013, n° 12-15.643) , que l’absence de l’audit énergétique rendrait irrégulier le diagnostic technique annexé au cahier des conditions de la vente, entraînant ainsi la caducité du commandement de saisie immobilière ?
Dans l’arrêt du 21 février 2013, le créancier poursuivant avait, certainement par économie, réutilisé un procès-verbal de description qui avait établi dans une précédente procédure de saisie immobilière.
La Cour de cassation a estimé qu’en l’absence de dépôt d’un cahier des conditions de vente comportant le procès-verbal de description dressé selon les modalités des articles R. 322-1 à R. 322-3 du code des procédures civiles d’exécution (c’est-à-dire, 8 jours après la délivrance du commandement), dans le délai prévu par l’article R. 322-10 du code des procédures civiles d’exécution ( prévoyant le dépôt du CCV au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant l’assignation délivrée au débiteur saisi), la sanction prévue à l’article R. 311-11 du code des procédures civiles d’exécution (caducité du commandement) était encourue.
Certains ont estimé que Cour de cassation avait statué supra legem ( puisque l’article R. 322-1 du Code des procédures civiles d’exécution ne prévoit pas expressément la sanction de la caducité du commandement) et que seule la nullité aurait due être prononcée, supposant alors la démonstration d’un grief par le débiteur.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a néanmoins confirmé cette jurisprudence dans un arrêt du 26 septembre 2019 (Cass. 2e civ., 26 sept. 2019, n° 18-19.817, F-D).
Cependant, cette même Chambre Civile a eu l’occasion de préciser que la régularité de forme du procès-verbal de description était soumise au régime des articles 112 et suivants du Code de procédure civile et a décidé que le caractère incomplet du procès-verbal descriptif pouvait être sanctionné par la nullité du cahier des conditions de vente (supposant la démonstration d’un grief) mais sous la condition de soulever l’irrégularité avant toute défense au fond (Cass. 2e civ., 1er oct. 2009, n° 08-19.104 : JurisData n° 2009-049673).
Pour résumer et en raisonnant par comparaison, il pourrait être considéré que l’absence d’un audit énergétique serait susceptible d’être sanctionnée par la caducité du commandement de saisie immobilière tandis que le caractère incomplet de cet audit ne pourrait être sanctionné que par la nullité, à charge d’une part d’établir un grief et d’autre part de soulever la nullité avant toute défense au fond.
Quelle que soit la sanction, il nous paraît quelque peu choquant de pouvoir potentiellement sanctionner le créancier saisissant qui rappelons le, n’est pas propriétaire de l’immeuble mais seulement poursuivant, alors même que le propriétaire vendeur « classique » de gré à gré n’est, en l’état des textes, soumis à aucune sanction.
Ce serait selon nous oublier, encore une fois, le caractère spécifique d’une vente sur saisie immobilière, dans laquelle l’adjudicataire ne dispose pas des mêmes recours qu’un acquéreur classique.
F.BACLE
Avocat spécialiste en Droit des garanties, des sûretés et des mesures d’exécution, Qualification spécifique « Vente et saisie immobilière »